(La première partie de ce billet à lire ici)

Dans la file d'attente

Le 13, à 7 heures du matin, on trouve devant la porte de la billetterie un fiévreux résolu, une surbookée levée à l'aube, un Konquenerd sans son ordi (mais si en fait, comme on le verra plus tard). Selon le rituel officieux en vigueur depuis des dizaines d'années, les premiers distribuent aux arrivants des tickets faits maison numérotés. 30, 31, 33, 37. Pas mal ! Aujourd'hui, les pionniers de l'appel sont une bande de retraités verdimaniaques en diable, arrivés entre 4h30 et 5h du matin, se réchauffant à tour de rôle dans leurs voitures. Ils ont apporté des plaids, des bouteilles isotherme, des fauteuils pliants. Les briscards de la file d'attente.

Nous, on s'inquiète, l'un, pas inscrit sur le wiki mais auquel nous pensions confier l'achat de places ne semble pas là, une autre non plus. Pourrons-nous prendre des places pour tout le monde ? Quel dommage de ne pas avoir pensé à relever son numéro de téléphone dans mes mails.

Hey, sourit le geek, j'ai mon ordi moi ! Et, après examen de la situation : wahoo, il y a même des bornes wifi !

Palpatine toujours prêt

Et nous voilà à tapoter du clavier ici d'abord, au bistrot ensuite, nos tickets d'ordre précieusement conservés pour être montrés à chaque appel : celui de 8h et celui de 9h. Impossible de trouver le numéro de téléphone d'Alice. Et le fada du clavier nous apprend qu'il doit se présenter à son stage à 9h30. Il croyait que les caisses ouvraient à 8h30... Patatras ! On fait nos calculs, flûte et re-flûte, même si nous prenons le maximum, quatre billets par personne, il va en manquer. Après l'appel de 8h, Oli fonce chez lui envoyer un mail « Urgent, il nous manque une personne pour la file d'attente, téléphonez-nous vite ! »

La tradition a quelque peu changé : les caisses ouvrent maintenant à 10h30 et non 11h. Et l'Opéra Bastille accueille désormais dans le hall à partir de 9h. On nous redistribue un ticket, officiel cette fois. Le mal-comprenant nous abandonne lâchement alors que la catastrophe intergalactique nous est annoncée par le personnel d'accueil : le quota de places sera limité à 2 par personne et par date !

Deux par personne et par date...

Vous savez ce qu'il y a de bien avec les dingues d'opéra ? C'est qu'ils aiment tellement ça qu'ils se désolent pour vous de que vous ne puissiez y aller. En une demi-heure, nous trouvons des spectateurs que nous rencontrons pour la première fois, tous prêts à prendre des places pour nous à la date que nous souhaitons. Et comme ils en ont besoin de supplémentaires pour d'autres dates eux aussi, nous voici en train de tricoter des combinaisons machiavéliques à coup de deux places à tel tarif pour telle date contre une ici et une là, le solde de la différence, le mode de compensation (chèque ? je vais tirer du liquide ?).

La dame la plus gentille du monde, qui déjà nous a gavés d'abricots secs, refuse que nous allions chercher du liquide : vous n'y pensez pas allons ? Je vous fais confiance ! A l'instinct. A notre bonne tête. Dingue. L'autre homme qui s'est proposé et qui pourtant ne peut s'offrir nous dit-il que des places à neuf euros nous oppose le même refus. Un chèque, et dites-moi si vous voulez que je l'encaisse plus tard.

Et l'Opéra offre le café. Petite visite d'encouragement du gars qui paye le journal sur le chemin du boulot. On parle ping-pong. Mme Abricot n'a même pas l'air de trouver notre conversation loufoque.

Les caisses ouvrent. On nous appelle à passer par paquet de vingt-cinq. Nos commissionnaires sont dans le même que nous.

Et nous apprenons... qu'on peut prendre quatre places par personne finalement !

Détricotage, retricotage car Mme Abricot a quand même besoin de places supplémentaires. Le ticket abandonné par l'Empereur qui ne sait pas lire va nous servir : on le donne à Mme Abricot qui après être allée une première fois aux caisses avec son propre ticket y retournera avec celui-ci. (Pourvu que je ne sois pas dirigée vers la même caisse, rigole-t-elle en reprennant place dans son nouveau rang...)

A midi pile ou peu s'en faut. Nous sommes sur le parvis de la Bastille. Nous apprendrons dans l'après-midi que si nous ne nous sommes pas reconnus, Alice et Chondre étaient bien là, comme nous, dans la file d'attente. Nous avons toutes les places dont nous avions besoin et Mme Abricot est notre amie pour toute la vie.

Rigoletto, c'est déjà bien un mois avant la première note.